Lettre ouverte

Pour un financement cohérent et une reconnaissance de la réduction des méfaits à la suite de la motion du 4 décembre 2024 contre le P.I.a.M.P.​

 

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,

 

Le Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue (ROCQTR), souhaite réagir au nom de nos membres, en solidarité avec celles et ceux qui œuvrent auprès des populations les plus vulnérables, marginalisées ou à risque de l’être. Nous souhaitons exprimer notre vive réaction, notre profonde inquiétude et dénoncer la récente motion demandant au gouvernement de « cesser tout financement public » à certains organismes communautaires, visant particulièrement le Programme d’intervention auprès des mineur·e·s prostitué·e·s (P.I.a.M.P.). Nous souhaitons également mentionner notre soutien à cet organisme essentiel.

 

Cette décision illustre une incohérence systémique préoccupante. En agissant ainsi, vous ignorez vos propres structures administratives et les principes fondamentaux qui régissent la séparation entre la gouvernance et l’administration de l’État. Le P.I.a.M.P., comme tant d’autres initiatives de terrain, dont celles portées par nos membres, est conçu pour protéger les individus et réduire les méfaits, et non pour aggraver la vulnérabilité de celles et ceux qui en bénéficient ou pourraient en bénéficier.

 

La décision concernant le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) soulève aussi de vives préoccupations au sujet de la pérennité du financement pour mener à bien ces missions essentielles. La difficulté déjà présente à maintenir un financement cohérent et durable, maintenant combinée à cette possibilité de coupures sans préavis, précarise gravement les organismes dans leur capacité à mener à bien leur mission dans un cadre sécuritaire et efficace.

 

Les approches en réduction des méfaits sont multiples. Elles sont au cœur de la pratique du travail de rue, reconnue depuis plus de 40 ans.  Cette décision démontre une incompréhension manifeste de la réduction des méfaits, qui vise à reconnaître la dignité des individus, peu importe leur situation, et à minimiser les conséquences négatives associées à leurs réalités quant à plusieurs enjeux sociaux. Cette approche humaniste ne cherche pas à juger ou à contraindre, mais bien à créer des liens de confiance, à offrir des outils et des ressources pour protéger les personnes, et ultimement, à améliorer leurs conditions de vie. En remettant en question des services comme ceux du P.I.a.M.P., vous mettez en péril l’essence même de cette philosophie,dont l’efficacité a été maintes fois évaluée et reconnue.

 

Le rôle des organismes n’est pas de porter un jugement sur les actions ou les choix des personnes, mais bien de leur offrir un soutien à leur rythme et respectueux de leurs choix, dans un cadre sécuritaire. Or, en soumettant ces organismes à des jugements moraux ou des restrictions directement à l’Assemblée nationale, vous compromettez de front leur capacité d’agir ainsi que leur autonomie et démontrez une forte méconnaissance de la réalité du terrain.

 

Nous rappelons que ces décisions vont à l’encontre de vos propres structures et engagements. Ce manque de cohérence fragilise non seulement les bénéficiaires des services, mais également le dernier maillon du filet social, que représentent entre autres les Organismes communautaires en Travail de Rue (OCTR).

 

Les travailleuses et travailleurs de rue, ainsi que les organismes qui les soutiennent, agissent quotidiennement avec une approche douce, dans une réalité heurtante, utilisant la réduction des méfaits pour répondre aux besoins criants des communautés. Affaiblir ces initiatives, c’est fragiliser les personnes les plus vulnérables et nier leur droit à la dignité et à la sécurité.

 

Nous vous exhortons à revoir cette décision et à réaffirmer votre engagement envers les organismes communautaires, les principes de réduction des méfaits et le respect des structures administratives qui garantissent une réponse efficace et humaine aux besoins des populations marginalisées ou à risque de l’être.

 

Pour finir, nous réaffirmons notre soutien inconditionnel au P.I.a.M.P., qui ne fait PAS la promotion de l’exploitation sexuelle, mais qui tente plutôt d’en limiter les risques et les conséquences auprès des jeunes et moins jeunes. Nous signons leur lettre ouverte, et soutenons la lettre ouverte de la TRPOCB.

 

Respectueusement,
Le Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue (ROCQTR)